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[ARCHIVES 2012-2017] 6. Images, dispositifs, lieux : questions épistémologiques, herméneutiques et anthropologiques

Eadweard Muybridge, Étude du mouvement humain, ca 1880

Ce thème réunit des chercheurs ayant pour souci de replacer l’objet artistique dans un réseau complexe de sens, de représentations et de perceptions en croisant les approches herméneutiques, épistémologiques et anthropologiques. Articulant théorie et histoire, ces enquêtes portent aussi bien sur des objets d’art traditionnels que sur des dispositifs, des lieux ou des artefacts délaissés par l’histoire de l’art (imagerie populaire, illustration scientifique, production éphémère).

Quatre axes permettent d’explorer les cadres théoriques et scientifiques, les imaginaires et les poétiques, les valeurs cognitives et épistémiques, les modes de regard et de perception des œuvres d’art et, plus largement, des images.

Présentation

Élargissant les problématiques jusqu’ici abordées par le précédent thème fédérateur L’histoire de l’art et ses limites, ce thème réunit des chercheurs et enseignants-chercheurs qui ont pour souci de replacer l’objet artistique dans un réseau complexe de sens, de représentations et de perceptions en croisant les approches herméneutiques et en tirant parti des acquis récents des études visuelles et culturelles, de l’épistémologie, de l’esthétique, de la sémiologie, de la nouvelle critique littéraire, des neurosciences ou de l’anthropologie.

Articulant théorie et histoire, ce positionnement transdisciplinaire repose notamment sur l’usage et l’adaptation d’outils, de méthodes et de savoirs issus des sciences humaines, sociales et cognitives. Il s’accompagne également d’une redéfinition de son champ d’étude puisqu’aux côtés des objets d’art traditionnels relevant de la peinture, de la sculpture ou de la photographie, plusieurs projets intègrent des artéfacts trop souvent méprisés ou délaissés par l’histoire de l’art, telles l’imagerie populaire, les illustrations scientifiques, les cartes postales ou les productions éphémères.

Par cette double ouverture, l’équipe pourrait s’inscrire dans le sillage des études visuelles ou de l’anthropologie de l’art. Cependant, les enjeux méthodologiques de ce thème demeurent attachés à l’histoire de l’art. Tout en reprenant certaines problématiques développées dans le monde anglo-saxon par les visual studies ou la Bildwissenschaft (usages des objets, insertion des œuvres d’art à l’intérieur d’une catégorie générale des images, impact des traditions non iconiques, porosité avec l’imagerie scientifique, rôles des agents, fonctions des imaginaires, « vie » des images), les recherches développées dans le cadre de ce thème reposent sur une démarche historienne rigoureuse telle qu’elle se pratique au Centre André Chastel depuis sa création, à savoir la contextualisation des objets, le recours aux archives et aux sources manuscrites ou imprimées ressortissant aussi bien à l’écrit qu’au visuel. Cette rigueur permettra d’éviter l’écueil de certaines analyses contemporaines ignorant les enjeux théoriques, politiques, sociaux et culturels auxquels les œuvres sont liées en un temps déterminé, de même que les modalités de regard et d’intellection qui en organisent ponctuellement la perception. Ce dernier point sera d’ailleurs particulièrement développé puisque plusieurs projets de recherches s’attachent à l’histoire de la construction anthropologique et sociale du regard.

Ces travaux visent à rendre compte tant des connaissances sur l’art (discours, historiographies, disciplines, etc.) que de l’art en tant que mode de connaissance. Quatre axes fédèrent ainsi les projets des membres affiliés à ce thème et permettent d’explorer les cadres théoriques et scientifiques, les imaginaires et les poétiques, les valeurs cognitives et épistémiques, les modes de regard et de perception des œuvres d’art et, plus largement, des images.

Afin de renforcer les synergies entre les projets portés par les membres — recherches par nature plus individuelles que collectives —, ce thème entend profiter du support offert par les Rencontres du Centre André Chastel comme lieu de débats et d’échanges.

Le thème Images, dispositifs, lieux est composé de quatre axes :

Discours artistiques, savoirs et imaginaires archéologiques
Etienne Dupérac, Mausolée d’Auguste, in « Vestigi dell'antichita di Roma « (1575), Roma, rééd. 1639

Cet axe s’attache à l’étude des sources théoriques et des discours scientifiques.

  • Base Art(e). Traductions annotées de traités et d’écrits sur l’art, Italie, XVIe siècle (J. Koering) ;
  • Artistes et antiquaires : l’étude savante de l’antique et son imaginaire à l’époque moderne, XVIe-XVIIIe siècle (E. Lurin) ;
  • La théorie esthétique et la science archéologique de l’art autour de 1800 (M. Stanic).

Cet axe s’attache à l’étude des sources théoriques et des discours scientifiques. Un premier projet entend développer la connaissance de la littérature artistique italienne du XVIe siècle au-delà de l’incontournable somme vasarienne. Deux autres recherches complémentaires prennent pour objet l’histoire du savoir et de l’imaginaire archéologique depuis la Renaissance jusqu’au XIXe siècle.

Base Art(e). Traductions annotées de traités et d’écrits sur l’art (Italie, XVIe siècle)

La Base Art(e), conçue par Jérémie Koering en collaboration avec des collègues historiens de l’art de Paris 1 et Lyon 2 et des italianistes de Paris 3 et Paris 4, privilégie des textes issus de la littérature artistique italienne qui n’ont jamais été traduits en français et/ou qui n’ont pas été réédités depuis le XVIe siècle (Armenini, Borghini, Comanini, Gilio, Paleotti…). Chaque traduction sera accompagnée d’une introduction et d’un appareil critique. Les textes seront proposés en italien et en français sur le site. L’objectif est de permettre une large diffusion auprès des chercheurs. Chaque texte sera pris en charge par un binôme de traducteurs (ou davantage pour les textes les plus longs) formé d’un italianiste et d’un historien de l’art. Le traitement informatique offrira la possibilité d’une mise à jour régulière des traductions et de leur appareil critique. Ce système devrait autoriser une mise en ligne « rapide ». Pour améliorer la qualité des traductions et de l’appareil critique, un groupe de discussion en ligne sera proposé pour chaque texte. À l’occasion des mises en ligne, des rencontres scientifiques seront organisées. La base Art(e) pourrait se développer dans un second temps avec des traductions de textes des XVe et XVIIe siècles.

Artistes et antiquaires : l’étude savante de l’antique et son imaginaire à l’époque moderne (XVIe-XVIIIe siècle)

Mené par Emmanuel Lurin en collaboration avec Delphine Burlot (INHA), un premier projet porte sur la période antérieure à la naissance de l’archéologie au XIXe siècle. À la croisée de l’histoire de l’art et des sciences de l’Antiquité, cette enquête pluridisciplinaire interroge le rôle des artistes – et à travers eux celui du regard, de l’imagination et des techniques de reproduction – dans la constitution d’un savoir scientifique et son illustration à l’époque moderne. En considérant la production des artistes les plus férus d’archéologie, de la Renaissance au XVIIIe siècle, elle étudie également l’influence de l’érudition antiquaire ou de ses pratiques sur les œuvres de création, recherches et collaborations scientifiques venant ici nourrir l’expérimentation artistique. Cette recherche a fait l’objet en 2012 d’un séminaire de Master qui se poursuivra dans les années à venir et qui sera jalonné, fin 2013/printemps 2014, par un colloque international associant l’université Paris-Sorbonne et l’Institut national d’histoire de l’art.

La théorie esthétique et la science archéologique de l’art autour de 1800

En relation avec l’enquête précédente, le projet de recherche engagé par Milovan Stanic vise à étudier de plus près le processus complexe de fondation de la science archéologique autour de 1800, en relation avec les pratiques artistiques de la fin du XVIIIe et du début du XIXe siècle.
L’esthétique du beau idéal avait pour but d’établir une pratique normative de l’art fondée sur l’imitation de l’antique, antique largement fictif. Le recours à ce qui a disparu, ou à ce qui a été transmis dans un état si lacunaire que sa restitution ressemble plus aux visions et aux goûts propres de l’époque qu’aux modèles présumés, devient au cours du XVIIIe siècle de plus en plus précaire. Le modèle du beau, de plus en plus réel, présent, varié et étendu à la suite de campagnes et de découvertes archéologiques, subit des critiques et des restrictions de plus en plus sévères, de la part des normes mêmes qu’il est supposé fonder. Face à l’Antiquité qui surgit montrant sa complexité, ses trivialités, ses faiblesses, ses contradictions, une théorie légitimée par le dogme de sa supériorité absolue doit être reformulée, recentrée sur un corpus choisi, restreint et soumis à un jugement de goût désormais subjectif. En résulte un éclatement de la doctrine en une multiplicité de théorèmes qui s’en éloignent plus ou moins, et qui s’affrontent dans un espace public de plus en plus ouvert.

Juillet 2012

Poétiques et imaginaires de l’image
El Greco, Triptyque, Modène, Galleria Estense

Imaginaires et poétiques font advenir au monde des images et, plus spécifiquement, des œuvres d’art. C’est à l’étude des manières de faire, des paradigmes culturels et des pouvoirs imageants que cet axe de recherche est dédié.

  • Les iconophages : imitation et citation dans l’art de la Renaissance (J. Koering) ;
  • La notion de grâce dans la pensée artistique de l’époque moderne, XVIIe-XVIIIe siècles (A. Mérot) ;
  • La « vue belle », ou le paradigme pictural dans les représentations sociales du paysage (H. Brunon)

Imaginaires et poétiques font advenir au monde des images et, plus spécifiquement, des œuvres d’art. C’est à l’étude des manières de faire, des paradigmes culturels et des pouvoirs imageants que cet axe de recherche est dédié.

Les iconophages : imitation et citation dans l’art de la Renaissance

Un premier projet initié en 2009 par Jérémie Koering ambitionne de retracer l’histoire de l’intericonicité dans les arts visuels de la Renaissance. L’enquête s’attache aux usages (reprise partielle, citation exacte, détournement…), aux procédés (découpage, montage, collage, fragmentation, renversement…) et aux enjeux de l’intericonicité. Elle s’accompagne d’une étude des différents paradigmes de l’imitation (mimesis aristotélicienne ; imitatio Christi ; innutritio…) au Moyen Âge et à la Renaissance. Le corpus d’œuvres considérées est essentiellement italien, sans pour autant être limité à cette aire géographique. L’analyse des œuvres et des paradigmes s’effectue en entrecroisant les approches issues de l’histoire de l’art traditionnelle, de la sémiologie, de l’anthropologie et des études visuelles. Les premiers résultats de ce travail ont été présentés à l’INHA, au Collège de France (Greco et le montage), à Paris III (Zuccari), à l’EHESS (Titien et Caravage) et à Ca’ Foscari (Tintoret). Deux articles « programmatiques » ont été publiés par Jérémie Koering, l’un dans Venezia Cinquecento, 2011, l’autre dans R. Démoris et al. (dir.), Art et violence, 2012. Ces recherches donneront lieu à la publication d’un ouvrage.

La notion de grâce dans la pensée artistique de l’époque moderne, XVIIe-XVIIIe siècles

C’est à la notion de grâce qu’Alain Mérot consacre ses recherches. La perspective de ce projet est la publication d’un livre réalisé en collaboration avec Anne-Marie Lecoq (Collège de France), cette dernière se chargera de la période allant de l’Antiquité grecque à la Renaissance, tandis qu’Alain Mérot étudiera les XVIIe et XVIIIe siècles. L’Iconologie de Cesare Ripa, dont les premières éditions paraissent autour de 1600, et qui consacre plusieurs entrées à GraziaGrazia divinaBellezzaVenustà, etc., servira en quelque sorte de charnière. Il ne s’agit pas d’un ouvrage d’esthétique – même s’il utilisera, entre autres, la somme de Raymond Bayer sur le sujet (1933) – mais bien d’histoire de l’art. Pour la période moderne, l’étude des textes théoriques, de Bellori à Winckelmann sera mise en résonance avec celle des œuvres des grands maîtres « gracieux » (tels Corrège, Guido Reni, Van Dyck, Le Sueur, Watteau, Canova, etc.). Car cette notion insaisissable et si mouvante (la grâce est ce qui plaît, mais aussi ce qui élève) s’est incarnée dans des réalisations successives, accompagnant l’évolution de la pensée artistique.

La « vue belle », ou le paradigme pictural dans les représentations sociales du paysage

Poursuivant un travail engagé depuis plusieurs années (programme précédent « Épistémologie du paysage dans les sciences humaines et sociales », colloque international De la peinture au jardin : transferts artistiques de l’Antiquité à nos jours organisé en 2011), Hervé Brunon publiera un ouvrage de recherche sur le rôle du paradigme pictural dans les représentations sociales du paysage en Occident : comment l’assimilation du paysage réel à un tableau s’est-elle instaurée à partir de la Renaissance, avant d’être déconstruite au XXe siècle ? La généalogie du « belvédère », la Toscane des Médicis, l’œuvre de Proust, la notion de métaphore, l’anthropologie du désir mimétique ou encore une approche comparatiste de la culture chinoise du shānshuǐ (山水) fourniront autant de supports et de pivots à l’enquête, qui vise à mieux éclairer le « problème ontologique » du paysage et contribuer à ouvrir l’horizon d’une recherche plus générale sur l’ontopoétique des lieux (voir l'axe Histoire et formes de l’ « aisthèsis »).

Juillet 2012

La modernité et ses sources
Carlos Cruz-Diez, Transchromie, 1965

Consacré aux sources de la modernité, cet axe réunit des recherches ayant pour objectif de mieux cerner les liens entre création artistique, technique et sciences :

  • La photographie génératrice d’art (G. Le Gall) ;
  • Vers la « troisième culture » : les sources scientifiques dans l’art après 1945 (A. Pierre, L. Dryansky).

Consacré aux sources de la modernité, cet axe réunit des recherches ayant pour objectif de mieux cerner les liens entre création artistique, technique et sciences.

La photographie génératrice d’art

Guillaume Le Gall consacre ses recherches à la manière dont la photographie du XIXe siècle a largement participé à une redéfinition de l’art des siècles suivants. Une première orientation concerne la transparence et ses effets photographiques qui prennent leur source, entre autres choses, dans les dioramas de Daguerre. Un projet de livre sur le dernier diorama de Daguerre à Bry-sur-Marne est en cours d’élaboration et devrait voir le jour courant 2012. Ce livre alimentera les recherches sur la photographie contemporaine et l’utilisation du transparent envisagé sous sa forme spectaculaire. Dans la continuité de cette étude, Guillaume Le Gall explora également l’œuvre des artistes conceptuels des années 1960-1970 ayant pris comme modèles des expérimentations photographiques du XIXe siècle. Cette recherche trouvera aussi un prolongement dans l’organisation avec Larisa Dryansky d’un colloque international sur la photographie et l’art conceptuel qui aura lieu en octobre 2013. Une seconde perspective de recherche s’établit autour des nouveaux usages de la photographie dans le champ de l’art à partir des années 1960. Une première étape de cette recherche s’est concrétisée dans le commissariat de l’exposition Learning Photography (1970-2010) qui s’est tenue au FRAC de Rouen au début de l’année 2012. Le propos de l’exposition a été, à partir de la collection du FRAC, de mettre en relation des approches hétérogènes ainsi que des styles, des genres, des protocoles et des interrogations théoriques, des « écoles », des écritures, des pratiques variées. Un ouvrage à partir de l’exposition paraîtra en 2013.

Vers la « troisième culture » : les sources scientifiques dans l’art après 1945

Arnauld Pierre et Larisa Dryansky souhaitent enquêter sur les sources scientifiques des artistes de l’après-guerre jusqu’à nos jours, afin de comprendre comment ces derniers se sont appuyés sur la science pour aborder à nouveaux frais des questions artistiques liées à la représentation, l’imagination, la matière, l’espace, le temps, et la notion même d’objet d’art. Si le dialogue entre l’art et la science est un aspect récurrent de l’histoire de l’art, il se complique dans cette période marquée en apparence par le fossé entre les « deux cultures » (C. P. Snow, 1956/1959). L’importance des sources scientifiques a ainsi pu être minorée (R. Krauss, 1978), ou leur spécificité recouverte par la problématique du lien entre art et technologie. Ce projet envisage les sources tant scientifiques au sens propre (mathématiques et physique modernes, cybernétique) que parascientifiques (science-fiction), et englobera aussi bien le cinéma expérimental, l'art vidéo, que l’art optique et cinétique.

Juillet 2012

Histoire et formes de l’ « aisthèsis »
Illusion canard-lapin : selon son regard, on peut voir dans les deux bandes à gauche le bec du canard ou les oreilles du lapin. Ce dessin a été publié le 23 octobre 1892 dans un journal satirique munichois, le Fliegende Blätter, avant d'être republié dans l'hebdomadaire new-yorkais Harper's Weekly. Son auteur est inconnu.

Entre sensation et sensibilité, perception et intellection, la notion grecque d'aisthêsis parcourt, de la psychologie d’Aristote à la phénoménologie et aux sciences cognitives, la réflexion occidentale sur le visible et le réel.

  • Construction socio-politique de l’image au XIXe siècle (T. Laugée) ;
  • Histoire de l’art, histoire du regard, histoire de l’imaginaire : éléments pour une histoire de la fascination (A. Maillet) ;
  • Vers la science de l’art : esthétique scientifique et théorie des émotions au tournant de l’abstraction (A. Pierre) ;
  • Ontopoétique des lieux (H. Brunon)

Au-delà d’une histoire des savoirs et des imaginaires de l’image, l’histoire de l’art ne doit pas renoncer, comme l’y incitait Warburg, à tâcher de rendre compte de l’histoire des manières dont les hommes pensent et vivent leur rapport au monde. Nous choisissons d’engager nos pas vers cet horizon sous le signe du vieux vocable grec αἴσθησις (aisthèsis), puisque ses dynamiques sémantiques – entre sensation et sensibilité, entre perception et intellection – paraissent porter en germe toute la force des tensions conceptuelles qui traversent, de la psychologie d’Aristote à la phénoménologie et aux sciences cognitives en passant par le sensualisme des Lumières, une bonne partie de la réflexion occidentale sur le visible et le réel. Les principales investigations de cet axe tenteront d’éperonner la construction sociale des images, les dispositifs théoriques d’objectivation du regard, l’esthétique scientifique et l’inscription de l’expérience dans les lieux. C’est l’homme en tant qu’être « sentant et ressentant », pour le dire à la manière de Ricœur, qui est bien le centre de ces questionnements.

Construction socio-politique de l’image au XIXe siècle

Les recherches de Thierry Laugée ayant porté ces dernières années sur les codes phrénologiques du portrait et leur manipulation pour rendre compte de la supériorité intellectuelle du modèle seront prolongées par un travail sur les collections de phrénologie et leur éventuel glissement dans le domaine des beaux-arts, avec un article portant sur « Le Musée phrénologique vu par la statuaire » (2013) et un ouvrage portant sur la diffusion et l’appropriation populaire du masque mortuaire de Napoléon Bonaparte (Le Roman du masque mortuaire de Napoléon Bonaparte, 2013).

Dans la poursuite de ces recherches, un travail sera effectué sur la construction visuelle des clichés raciaux au XIXe siècle. En analysant les caractéristiques physiques, les comportements, les mœurs jugés propres à l’étranger dans les divers ouvrages scientifiques (phrénologie, physiologie, anatomie), il s’agira de déterminer en quoi ce répertoire a engendré une image mentale et artistique des clichés raciaux. Si selon Victor Segalen, « l’exotisme est la perception du divers », il s’agira dans ce programme d’analyser la production occidentale de l’altérité, son invention ou sa simple appropriation. Afin d’aller bien au-delà de l’usuelle confrontation entre un « Orient fantasmé » et un « Orient rêvé », ce travail consistera à observer les modes de citation de l’autre et de sa culture avec pour objectif le renforcement de l’identité artistique du monde représentant. Les premiers résultats de ces recherches seront exposés lors du colloque Orientalisme et occidentalisme à Abu Dhabi, fin 2013 (org. Thierry Laugée, Paris Sorbonne ; Simon Texier, université de Picardie).

Histoire de l’art, histoire du regard, histoire de l’imaginaire : éléments pour une histoire de la fascination

En étudiant les deux objets théoriques que sont le miroir d’encre et le kaléidoscope, leur origine, la manière dont ils fonctionnent et produisent des images, et les représentations que l’on a donné de ces instruments, Arnaud Maillet entreprend de cerner les éléments d’une histoire de la fascination et la manière dont le regard a pu se constituer à différents moments de l’histoire. Le point de départ historique de cette étude s’enracine dans des expériences artistiques, visuelles et culturelles du XIXe siècle. Mais ces objets théoriques obligent à remonter comme à descendre dans le temps afin de pouvoir pleinement les saisir. Ces objets théoriques amènent l’histoire de l’art à croiser d’autres disciplines : littérature, épistémologie, philosophie et anthropologie historique pour les principales. L’histoire de l’art s’articule ainsi à une histoire du regard, par le biais d’une histoire de l’imaginaire. Deux publications sous forme de livre sont prévues à terme. Des fragments donneront lieu à des articles et autres formes brèves de communications scientifiques.

Vers la science de l’art : esthétique scientifique et théorie des émotions au tournant de l’abstraction

C’est dans le creuset de l’esthétique scientifique que surgit une conception originale de l’esthétique comme science des modifications de la sensibilité (aisthèsis) formant le soubassement de la conscience et fournissant à la cérébration ses modalités primordiales. Dans cette optique, chez nombre d’auteurs dont les apports successifs marquent la seconde moitié du XIXe siècle et le début du suivant, l’art s’est affirmé très tôt comme le moyen hautement complexifié et raffiné de contrôler l’exposition aux stimuli et de réguler « la machinerie cognitive de l’émotion » (A. Damasio). Articulée au système des arts dès les années 1860, cette esthétique rationnelle est en outre le lieu d’un dialogue soutenu entre la philosophie et les pratiques artistiques, dont la fécondité a déjà été appréhendée mais n’a pas encore fait l’objet de travaux exhaustifs. Au-delà du partage classique entre académisme et mouvements novateurs, l’idée d’une science de l’art irrigue l’enseignement des beaux-arts comme elle accompagne certains développements artistiques de premier ordre, de la théorie néo-impressionniste à celle des débuts de l’abstraction, des adeptes de l’arabesque art nouveau aux réformateurs des arts du geste et de la danse, de la géométrie sensible des puristes de l’Esprit Nouveau aux zélateurs des synesthésies et à ceux de l’œuvre d’art totale. Cet axe de recherche conduit par Arnauld Pierre a déjà donné lieu à l’organisation d’un colloque international et interdisciplinaire (INHA, décembre 2011) au cours duquel des liens se sont noués avec l’ANR Formesth (Carole Maigné) et trouve son prolongement dans une association avec le Centre Victor Basch créé pour cette occasion. Ces travaux doivent déboucher sur la publication d’un ouvrage collectif sur l’esthétique scientifique (PUPS, 2013) et, par la suite, d’une anthologie raisonnée de textes fondamentaux.

Ontopoétique des lieux

Dans le prolongement de l’étude du paradigme pictural dans les représentations sociales du paysage, ce projet à plus long terme mené par Hervé Brunon entend fonder un nouveau champ de recherche : partir de l’histoire des jardins et du paysage pour interroger, à travers les lieux, les questions de la réalité, de la présence et de la polarité – plus ou moins dialectisée – du sujet et de l’objet. En d’autres termes, que disent les lieux sur un plan historique de notre être au monde, quel(s) sens lui donnent-ils, voire, en quoi ce ou ces sens participent-ils au déploiement de l’être – ou, pour adopter une perspective chinoise, de l’il-y-a (yǒu 有) ? Ces questions seront abordées d’un point de vue fortement interdisciplinaire (avec l’ambition d’une « synthèse de l’hétérogène », suivant l’expression de Paul Ricœur), poursuivant le travail antérieur sur les problématiques de l’imaginaire au croisement des représentations et des pratiques, s’appuyant notamment sur des outils philosophiques (esthétique, phénoménologie) et anthropologiques (en particulier l’écologie symbolique amorcée par Philippe Descola), tirant parti de certains acquis récents des études littéraires (tels que la notion de structure d’horizon développée par Michel Collot), cherchant enfin à relever certains défis de la deep history (écrire une histoire culturelle des faits de cognition sur la très longue durée) et à développer une réflexion que l’on pourrait qualifier de post-herméneutique, dans la mesure où elle souhaite reconsidérer les « effets de présence » par rapport aux « effets de signification » (selon le vocabulaire de Hans Ulrich Gumbrecht). Est envisagée la publication de deux ouvrages de recherche : Le Jardin comme figure de l’expérience humaine (en particulier de l’expérience du temps) ; Jardin et paysage dans l’histoire du « sentiment océanique » (au sens défini par Romain Rolland et débattu par Sigmund Freud dans Malaise dans la culture).

Juillet 2012

 

Membres rattachés au thème

Enseignants-chercheurs de l’université Paris-Sorbonne

Larisa Dryansky (MCF)
Thierry Laugée (MCF)
Guillaume Le Gall (MCF)
Emmanuel Lurin (MCF)
Arnaud Maillet (MCF)
Alain Mérot (PR)
Arnauld Pierre (PR)

PAST

Michel Gauthier
Claire Le Restif

Chercheurs du CNRS

Hervé Brunon (DR)
Antonella Fenech Kroke (CR)
Jérémie Koering (CR)

CDD de Paris-Sorbonne

Elinor Myara Kelif (post-doctorante)

Membres honoraires

Pierre-Yves Balut (MCF Paris-Sorbonne)
Marie-Claude Chaudonneret (CR CNRS)
Françoise Levaillant (DR CNRS)
Monique Mosser (IE CNRS)
Milovan Stanic (MCF Paris-Sorbonne)

Doctorants :

Anaïs Beccaria, Tarek Berrada, Juliette Bessette, Sarah Charluteau, Benoît DauvergneAmanda De Freitas CoehloMaxime DecaudinChiara Di Stefano, Laure FordinBenjamin FoudralMarion Grébert, Christophe Guillouet, Lydia HamitiMarie HéraultJuhayna HillesEmeline HoussardÉmeline Jaret, Iris Lafon, Gwladys Le Cuff, Clémence Lecointe, Ségolène LiautaudVincenzo MancusoGéraldine Mercier, Maxime-Georges Métraux, Marjorie Occelli, Fedora Parkmann, Vera Pierantoni GiuaTatsuya SaitoIulia ToaderOlivier VayronPiyush Wadhera

MAJ décembre 2017