Résumé
L’attribution en histoire de l’art répond à des critères divers, qui peuvent être étudiés en regard de l’histoire du marché de l’art mais aussi de l’histoire du goût. Raphaël, dont l’art a fait l’objet de très nombreuses attributions ou désattributions, est à cet égard un cas d’école. L’étude de six dessins et peintures correspondant aux trois périodes de la carrière de Raphaël a permis de dégager des caractéristiques relatives aux raisonnements d’attribution non seulement pour le peintre étudié mais aussi pour ce qui concerne la peinture moderne en général. Ces raisonnements obéissent à un discours bien rodé qui se met en place dans le courant du XIXe siècle sous la double influence des sciences de la nature et des modèles de la critique textuelle, philologique et historique. Cette dernière s’inscrit dans la tradition des mauristes et dans le cadre de l’institutionnalisation des savoirs qui s’opère tout particulièrement en Allemagne pour la nouvelle discipline que représente l’histoire de l’art. Très rapidement, il est possible d’observer une personnalisation de l’attribution, une œuvre de Raphaël ne pouvant être donnée au maître que par un « Raphaéliste ». L’étude des différents textes attributionnistes s’étalant sur près de deux siècles a permis de comprendre la problématique du goût et d’expliquer ainsi les changements d’attribution pour une même œuvre. Les débuts de l’histoire de l’art en Allemagne sont parallèles à l’émergence, sous l’influence des premiers romantiques allemands, d’un nouveau goût pour les primitifs qui va durablement influencer le regard des « Raphaélistes » qui chercheront à construire un corpus des premières œuvres et dévaloriseront celles de la période romaine dont le classicisme commence à être passé de mode. Ce changement de regard sur Raphaël s’opère d’abord dans le cadre d’un renouveau du catholicisme et se poursuivra à la fin du XIXe siècle avec le rejet de l’académisme, dont on juge le Raphaël romain responsable. Or, depuis une vingtaine d’années, la période romaine est revalorisée entrainant ainsi les réattributions des œuvres romaines au maître lui-même et permettant une étude nouvelle de la notion d’attribution.
Mots clés : Raphaël, attribution, raisonnement, histoire du goût, histoire de l’histoire de l’art, influence du premier romantisme allemand, Morelli, Müntz, Passavant, Rio, Crowe et Cavalcaselle, Ruskin
Jury
Laurence Mauger-Vielpeau, Professeur de droit privé, Université Caen-Normandie, Présidente du jury
Christine Gouzi, Professeur d’histoire de l’art moderne, Sorbonne-Université
Ralph Dekoninck, Professeur d’histoire de l’art moderne, Université Catholique de Louvain, Rapporteur
Sefy Hendler, Professeur d’histoire de l’art des temps modernes, Université Panthéon-Sorbonne
François Robichon, Professeur émérite (histoire de l’art contemporain), Université de Lille, Rapporteur