Barbara LE MAÎTRE


Biographie
Barbara Le Maître est professeure en études cinématographiques à l’université Paris Nanterre. Elle est accueillie en délégation CNRS au Centre André-Chastel (février-juillet 2025) pour un projet intitulé : « Des miniatures humaines cinématographiques. Entre histoire de l’art et anthropologie », susceptible de s’inscrire dans l’axe 6 de l’unité : « Images, dispositifs, lieux : questions épistémologiques, herméneutiques et anthropologiques ».
Elle a écrit Entre film et photographie. Essai sur l’empreinte (2004), Zombie, une fable anthropologique (2015), Image versus médium featuring Mark Lewis (2022), et co-édité divers ouvrages collectifs, parmi lesquels: Preserving and Exhibiting Media Art : Challenges and Perspectives (2013), Cinéma muséum. Le musée d’après le cinéma (2013), Tout ce que le ciel permet en cinéma, photographie, peinture et vidéo (2015), Cinema & Cie. International Film Studies Journal, n°25: « Overlapping Images. Between Cinema and Photography » (2016), Muséoscopies. Fictions du musée au cinéma (2018), Damiers, grilles, cubes. De la théorie de l’art aux fictions du cinéma (2023), Moments d’histoire naturelle au cinéma (2024). Son travail porte sur les relations entre le film et le musée ; les empreintes et les formes fossiles au cinéma ; le principe d’une archéologie des figurations ; l’analyse filmique et le discours de la fable. Elle a récemment coordonné, avec Michèle Garneau (Université de Montréal), le n°43 : Fabuler/Fabulating de la revue Intermédialités.
Depuis le cinéma dit primitif jusqu’au temps présent, bien des films de fiction ont façonné et mis en scène des miniatures d’allure (plus ou moins) humaine — toutes miniatures, surtout, vivantes et mobiles, ce qui implique que le changement d’échelle puisse être modulé au gré du film. Le présent projet entend se consacrer à de tels motifs filmiques sans a priori de genre (mais le fantastique s’impose), d’auteur ou d’époque.
À l’envisager au-delà de l’enluminure — c’est ici un préalable —, la miniature dessine un territoire aussi vaste qu’hétérogène qui inclut le santon aussi bien que les versions réduites de la grande statuaire grecque ou romaine ; le bateau en allumette logé dans sa bouteille de verre aussi bien que la maquette de la Rome Antique ; le théâtre de poupées et de bamboches, les dolls’ houses, etc.[1]. À cette liste, qui atteste une forme de disparate et fait lever l’image de la merveille, s’ajoutent d’autres types de figurines dont les enjeux excédent la question de l’art, notamment les miniatures en corne ou en ivoire façonnées chez les Inuit (chez lesquels se manifeste par ailleurs « l’âme-tarniq », version miniaturisée du corps humain ou animal).
Emplie de curiosités et d’objets parfois sorciers, l’histoire de la miniature en passe, au XVIIIe, par le perfectionnement d’instruments tels que les microscopes ; de même qu’elle dépend, au XIXe, de la mise au point de techniques de reproduction à différentes échelles. À cet endroit voir l’invention (contemporaine de celle de la photographie) de la machine à réduire — dont parmi d’autres, The Devil-Doll (T. Browning, 1936), Dr Cyclops (E. B. Schœdsack, 1940), Attack of the Puppet People (B. I. Gordon, 1958) et Innerspace (J. Dante, 1987) réitèrent le principe en le transposant dans l’espace d’une fiction anthropologique : désormais, c’est le vivant qui rétrécit.
Considérée de manière ample, la miniature engage presque tous les arts, traverse presque toutes les époques. Curieusement, elle n’a pas été étudiée au cinéma, en particulier, les relations nouées avec l’histoire de l’art et l’anthropologie n’ont pas été examinées. La relation avec l’anthropologie se justifie du fait que le cinéma, en miniaturisant le vivant, donne vie à la miniature (en image). Le projet initié dans le cadre de cette délégation vise ainsi à construire cet objet singulier qu’est la miniature (humaine) filmique à partir du cinéma de fiction, en sondant les imaginaires et les dispositifs — artistiques, anthropologiques, épistémologiques — dont elle est tributaire, ainsi que les discours qu’elle porte dans le champ d’une histoire des formes élargie.
Le caractère interdisciplinaire du projet associe la méthodologie de l’analyse filmique avec des savoirs et des objets relatifs à l’histoire de l’art. Aucune ouverture sur des disciplines distinctes de celle où s’origine un travail ne peut aller sans réflexion sur l’interdisciplinarité. Partant, cette délégation donnera lieu, en collaboration avec Mme Valérie Mavridorakis et M. Guillaume Le Gall (Sorbonne Université), à l’organisation d’une table-ronde réunissant chercheurs et doctorants en cinéma et histoire de l’art. Intitulée « Vices et vertus de l’interdisciplinarité : entre histoire de l’art et études cinématographiques », celle-ci aura lieu le 22 mai 2025 au Centre André Chastel, en salle Perrot, de 14h à 18h (descriptif et programme à venir).
[1] Exemples tirés de Penser le « petit » de l’Antiquité au premier XXes. Approches textuelles et pratiques de la miniaturisation artistique, Sophie Duhem, Estelle Galbois, Anne Perrin Khelissa (dir.), Lyon, Ed. Fages, 2017.