
Le projet « GRAPHORIGINS », La graphie des origines. De la Météorite d’Ensisheim (1492) et de la vie des pierres à la Renaissance porté par Florian Métral est lauréat de l’appel à projet Origines 2025, financé par le Programme et équipements prioritaires de recherche (PEPR) Origins. Lancé en mars 2023, le PEPR est financé par le plan France 2030 (opérateur ANR).
Le projet « GRAPHORIGINS » entend saisir comment la Renaissance, période de synthèse et de reconfiguration des savoirs, a posé les bases et élaboré certains des modèles épistémologiques pour une enquête sur les origines de la vie et des planètes. Dans notre perspective, cette enquête se structure autour de l’expérience graphique au sens large, intimement liée à l’avènement de la culture imprimée à la fin du XVe siècle : cela inclut tant la création d'images (dessins, gravures, schémas, cartes) que les modes d'écriture pour organiser et transmettre les connaissances. Notre hypothèse de départ est que, à la Renaissance, cette expérience graphique s’affirme comme l’instrument privilégié des processus de production et de diffusion des savoirs sur le monde, dont les résonances avec l’époque actuelle sont encore très vivaces.
Dans ce vaste champ, le projet se concentrera sur l’imaginaire lapidaire, sur les pierres donc, qui, partout ou presque au XVe et surtout au XVIe siècle, se voient investies de significations cosmogoniques et biogénétiques, à replacer dans le cadre d’une compréhension toujours plus approfondie du “Livre de la nature”, expression visible et observable de la “Création divine”.
Au centre de notre enquête, une pierre singulière : la météorite d'Ensisheim, tombée le 7 novembre 1492 en Alsace, alors partie du Saint-Empire romain germanique. Première chute observée en Europe, cette météorite est l'une des mieux documentées, à la fois textuellement (tracts, lettres diplomatiques, écrits scientifiques) et visuellement (gravures, enluminures, peintures). Si elle est connue en grande partie, cette documentation n'a toutefois jamais été étudiée en profondeur. Or, elle témoigne de la compréhension profondément interdisciplinaire de l’objet céleste, et du phénomène qui lui est lié, ayant tout autant suscité l’intérêt des princes et des élites, des théologiens et des humanistes, des éditeurs et des artistes. Et bien que sa nature extraterrestre demeure incomprise à la Renaissance, la météorite d'Ensisheim n’en demeure pas moins à la croisée de divers discours originaires à l’échelle non seulement des pierres mais de tout le vivant, où se conjuguent théologie, philosophie et histoire naturelle, pensée magique et alchimique, discours empirique et scientifique, dont les oeuvres d’art et plus largement les images se font les réceptacles.
Cette enquête historique et visuelle, qui se concentrera sur le XVIe siècle en raison de l’abondance et de la pertinence des sources, entend ainsi poser les bases d’une « originographie » — une méthodologie d’analyse appliquée au phénomène originaire mobilisant les outils de l’histoire de l’art — afin d’approfondir l'épistémè de la Renaissance, creuset de la pensée scientifique moderne. Ce faisant, il entend contribuer aux objectifs du PEPR Origins en offrant une perspective historique sur l’exobiologie. Sa mise en oeuvre repose notamment sur le recrutement d’un contrat doctoral (2025-2028), de workshops précédant un colloque international (2027), suivi d’un volume collectif en langue anglaise, qui pourra être complété d’un cycle de conférences à la BnF (2027) visant à la diffusion des résultats de la recherche en direction du grand public.