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Logés à l’américaine. Transferts, hybridations, usages et acculturation du modèle Levitt France (1964-1981)

Thèse

Résumé

En 1947, Levitt and Sons inaugure Levittown, NY, premier d’une série de trois ensembles pavillonnaires conçus pour accueillir les jeunes ménages de vétérans de la Seconde Guerre mondiale. Avec 17 447 maisons individuelles standardisées et abordables, Levittown répond aux besoins élémentaires de la famille nucléaire américaine tout en offrant une flexibilité permettant son évolution. Dix ans plus tard, William Levitt, figure de proue de l’entreprise, lance Belair at Bowie, un projet d’envergure plus modeste mais reflétant les aspirations croissantes de la classe moyenne en matière de confort et de personnalisation. En 1964, l’entreprise amorce son expansion européenne avec les Résidences du Château, au Mesnil-Saint-Denis, en adaptant le modèle américain au contexte français.

Levitt France s’implante également à Lésigny, Élancourt et Mennecy, mais ces réalisations restent bien en deçà des ambitions initiales de William Levitt, qui projetait une production comparable à celle des États-Unis. Malgré un succès commercial immédiat, la filiale française ne construit qu’environ 5 000 maisons avant de déposer le bilan en 1981. Pourtant, l’impact de Levitt dans les paysages suburbains français est durable : son modèle inspire une génération de promoteurs-constructeurs tels que Kaufman & Broad ou Bréguet, qui adaptent et diffusent ces principes architecturaux et urbains à grande échelle, érigeant la banlieue pavillonnaire américaine en référence incontournable.

À travers une méthodologie mêlant enquête de terrain inspirée des principes de l’Inventaire général du patrimoine culturel, la constitution d’archives orales, ainsi que la production d’un corpus photographique inédit, cette thèse se propose de reconstituer et de valoriser les archives nombreuses mais dispersées – qu’elles soient conservées dans des institutions publiques ou, plus fréquemment, détenues par des particuliers – sous forme matérielle ou numérisée, souvent diffusées en ligne mais non répertoriées – relatives à la production de nouveaux villages pavillonnaires en France.

Cette thèse explore les dynamiques historiques et culturelles qui ont façonné l’émergence et la diffusion du « modèle Levitt » en France. Elle situe ce phénomène dans une généalogie au temps long, et analyse les politiques d’aménagement combinant volontarisme d’État et libéralisation du logement individuel. À travers une approche comparative entre la France et les États-Unis, elle démontre comment le Cape Cod américain s’est imposé comme archétype de la maison individuelle, supplantant la « chaumière rationnelle » dans les paysages suburbains français (Eleb & Engrand, 2020).

Enfin, ce travail conteste l’idée que l’architecture pavillonnaire serait une « architecture sans architectes » en révélant la qualité conceptuelle et formelle de ces ensembles. Enrichissant le corpus d’architectes et paysagistes du XXe siècle tels que Roger Anger ou Jacques Sgard, il met également en lumière des figures oubliées comme Liliane Véder, ou méconnues, comme Alain Cornet-Vernet, tout en explorant les persistances de l’idéal suburbain dans les imaginaires contemporains.

Jury

  • Corinne JAQUAND, maîtresse de conférences, École nationale supérieure d’architecture Paris-Belleville (rapporteur)
  • Rosemary WAKEMAN, professeure d’histoire, Fordham University rapporteur)
  • Laurent CAILLY, professeur de géographie, Université de Tours
  • Bénédicte RENAUD-MORAND, conservatrice honoraire du patrimoine, Inventaire national du Patrimoine culturel
  • Loïc VADELORGE, professeur d’histoire contemporaine, Université Gustave-Eiffel
  • Jean-Baptiste MINNAERT, professeur d’histoire de l’art contemporain, Sorbonne Université (directeur)