- Un ouvrage de Marie-Claire Bergère, Jérémy Cheval, Danielle Elisseeff et Françoise Ged, traduit du français en chinois par Ju Wang et Xiaoli Wei (doctorant du Centre André Chastel)
Du milieu du XIXe siècle au lendemain de la Seconde guerre mondiale, le consul de France à Shanghai est investi d’une double responsabilité. D’une part, il doit défendre les intérêts français face aux mandarins de l’administration chinoise locale et aux agents des grandes puissances représentées à Shanghai. D’autre part, il doit surveiller la gestion de la concession française, veiller au respect de la loi, assurer la sécurité, l’ordre public, la réglementation urbanistique, l’éducation et l’hygiène de cette enclave semi-coloniale. L’hôtel consulaire avec ses annexes administratives fut pendant un siècle l’un des principaux centres de pouvoir de la métropole cosmopolite et proliférante.
La villa Basset sort de l’oubli. Classée depuis 1994 au patrimoine de la ville de Shanghai, elle est inscrite depuis 2003 dans le plus grand des douze secteurs protégés de la ville, une mesure municipale alors novatrice en Chine. Avec ce classement, comme pour tout Shanghai, c’est aussi l’histoire des personnages qui ont habité la résidence qui sort de l’ombre.
Construite en 1921 par les architectes français du Crédit foncier d’Extrême-Orient sur une commande de Lucien Basset, la villa consulaire mêle inspirations asiatique et occidentale. Son architecture hybride combine avec élégance colonnes néoclassiques, toiture d’influence flamande, balcons, chapiteaux et mosaïques à l’italienne, jardin paysager et rocaille chinoise. Cette maison « méditerranéenne » ou « à l’italienne », dont l’écriture garde l’empreinte de ses occupants successifs, demeure le témoin d’une architecture caractéristique de l’ancienne concession française.
On entre dans cette belle demeure par la façade nord, comme le faisaient jadis, au temps des Qing (1644-1911), les sujets ordinaires et les fournisseurs de la Cité interdite ; mais ici, la végétation entourant le porche permet d’imaginer ce qui se situe de l’autre côté, au-delà de la maison, au sud. Et l’on devine aisément que la visite, comme dans toutes les belles villas shanghaiennes construites par les Européens du temps de la République, se terminera dans le jardin, l’écrin vivant de la propriété.