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Appel à contributions - Le Déluge et ses représentations en Europe entre optimum climatique médiéval et petit âge glaciaire européen

(XIe-XVIe siècles)
Saint-Savin-sur-Gartempe, arche de Noé. Photothèque du CESCM, cliché Jean-Pierre Brouard
Call for contributors
15th December 2025
Poitiers et abbaye de Saint-Savin-sur-Gartempe (Vienne, Nouvelle Aquitaine)

Colloque à Poitiers et Saint-Savin-sur-Gartempe, les 4 et 5 juin 2026

L’histoire du climat et l’archéologie de l’environnement, qui se sont largement développés depuis les travaux d’Emmanuel Leroy-Ladurie, ont démontré l’existence d’un optimum climatique médiéval auquel succède au XIVe siècle le petit âge glaciaire européen. Cette transition survient entre 1303 et 1328 et s’accompagne de phénomènes météorologiques aux conséquences désastreuses : les pluies diluviennes presque ininterrompues entre 1314 et 1316 noient les récoltes sous l’eau, les hivers sont froids et rudes jusqu’en 1320, engendrant des crises alimentaires qui feront perdre à l’Europe, en plus des épidémies, une bonne moitié de sa population1. Les inondations ou pluies diluviennes n’étaient certes pas étrangères à l’optimum climatique médiéval, mais elles prennent une autre dimension au tournant du XIVe siècle. Cette récurrence modifie la perception de ces phénomènes météorologiques, dorénavant perçus à travers la notion de désastre2.

Or, à cette même période, un déplacement du regard semble s’opérer dans les images médiévales du Déluge. Tandis que les images produites entre les XIe-XIIIe siècles, sans pour autant évacuer l’aspect destructeur du déluge, privilégient la réflexion sur l’arche et sa composition dans une perspective ecclésiologique et typologique, à partir du XIVe siècle les pertes humaines ou animales et l’étendue des flots prennent une place grandissante dans les représentations. Progressivement, l’arche se referme, s’éloigne, avant que le Déluge ne soit véritablement représenté pour lui-même en tant que désastre humain ou catastrophe climatique. Aux alentours du XIVe siècle l’exégèse du Salut semble laisser la place au récit d’un désastre diluvien, dont la répétition est par ailleurs elle-même prophétisée3.

En parallèle, un tournant épistémologique survient au XIIe siècle et modifie le rapport de l’homme au monde et à son environnement. L’idée « moderne » d’une nature « créé[e] par Dieu mais soumis[e] à des lois obéissant aux règles de la raison »4 émerge progressivement en même temps qu'on assiste à des entreprises de compilation des connaissances sur le monde et la nature des choses dans une volonté encyclopédique de transmettre un savoir hérité de l’Antiquité.

Ces données climatiques et historiques nous invitent à interroger le Déluge à la lumière de l’histoire du climat, et à questionner ce que les relectures successives de l’épisode signifient du rapport de l’homme à son environnement. Dans quelle mesure l’observation répétée, à partir du XIVe siècle, de phénomènes météorologiques diluviens a-t-elle pu modifier la perception par l’homme de son environnement et impacter sa lecture du récit biblique du Déluge ?

Trois axes seront retenus :

  • Le Déluge (et les déluges antiques) et ses représentations mentales ou visuelles entre les XIe et XVIe siècles. Comment le cataclysme biblique décrit dans la Genèse est-il perçu, commenté et représenté avant, pendant et après le passage de l’optimum climatique médiéval au petit âge glaciaire européen ?
  • Les phénomènes météorologiques et leur compréhension religieuse ou rationnelle entre les XIe et XVIe siècles. Comment les pluies diluviennes, inondations et autres intempéries sont-elles vécues, comprises, justifiées et représentées ?
  • L’émergence progressive d’une réflexion historique et d’explications sur l’origine naturelle du Déluge biblique au détriment de l’exégèse traditionnelle. Quelles conséquences l’observation répétée de ces épisodes diluviens a-t-elle sur la compréhension et l’interprétation de la Genèse ?

Bien que centré sur la période courant du XIe au XVIe siècle en Europe, les propositions rétrospectives ou prospectives évoquant les représentations du Déluge avant le XIe siècle et après le XVIe, ainsi que dans d’autres cultures à cette même période (Byzance) pourront être examinées et acceptées.

Ces deux journées se dérouleront à Poitiers et en l’abbaye de Saint-Savin-sur- Gartempe (Vienne, Nouvelle Aquitaine, UNESCO), qui a elle-même connu son lot d’intempéries : les deux cryptes furent inondées lors du Week-end de Pâques 20245. Elles constitueront le volet scientifique parallèle à l’exposition, annoncée pour 2026, consacrée à la redécouverte de l’arche de Noé et du Déluge peints à la voûte de l’abbatiale.

Les propositions de communication (1 page maximum), accompagnées d’un CV, sont à envoyer avant le 15 décembre à claire [dot] boisseauatcnrs [dot] fr (claire[dot]boisseau[at]cnrs[dot]fr)

Comité scientifique

Claire Boisseau, CR CNRS, Centre André-Chastel
Harmony Dewez, MCF Université de Poitiers, CESCM
Florian Métral, CPJ CNRS, Centre André-Chastel
Cécile Voyer, PU Université de Poitiers, CESCM

  • 1https://lameteorologie.fr/issues/2018/102/meteo_2018_102_38
  • 2Thomas Labbé, Les catastrophes naturelles au Moyen Âge, Paris, CNRS Editions, 2020.
  • 3Pascale Dubus, « Conjurer le grand déluge de 1524 : peinture et pronostic au début du Cinquecento », dans Bibliothèque d’Humanisme et Renaissance, t. 76, n°2, 2014, p. 233-253.
  • 4Fabrice Mouthon, Le sourire de Prométhée : L’homme et la nature au Moyen Âge, La découverte, 2017.
  • 5https://www.lejournaldesarts.fr/actualites/labbaye-de-saint-savin-touchee-par-les-inondations-171849 https://www.francebleu.fr/infos/societe/inondations-dans-la-vienne-les-cryptes-de-l-abbaye-de-saint-savin-touchees-4560132