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Les lions de Jean-Baptiste Huet et le regard captif en France post-révolutionnaire

Un lion et sa femelle allaitant ses petits, 1801-1802, Salon de 1802, 97 x 130 cm, collection particulière
Rencontres du Centre Chastel
Le Mercredi 13 mars 2019 de 00h00 à 23h59
Galerie Colbert, 2 rue Vivienne, 75002 Paris, salle Ingres (2e étage)

 

Les lions de Jean-Baptiste Huet et le regard captif en France post-révolutionnaire

Au Salon de 1802, Jean-Baptiste Huet (1745-1811), alors âgé de 57 ans, exposa le dernier tableau de sa longue et illustre carrière de peintre animalier. Son biographe devait dire plus tard que le tableau, intitulé Un lion et sa femelle  allaitant ses petits, et les multiples dessins de ces lions étaient les oeuvres « les plus sérieuses et sincères » de sa carrière de plus de 40 ans. Huet poursuivait aussi dans ce tableau hypnotique et saisissant un chemin qui n’avait presque aucun lien avec ses réalisations antérieures. Pour la première fois, il dépeint des animaux dangereux, étrangers et carnassiers. C’est aussi l’un des plus grands tableaux animaliers qu’il ait réalisés. Il représente une famille de lions célèbres dans le Paris post-révolutionnaire. Les deux adultes, Constantine et Marc, avaient été amenés de Tunisie en 1798 et vivaient dans la ménagerie du Jardin des plantes avec leurs lionceaux. Fondée en 1794, l’institution était récente. Cela montre la modernité du sujet d’une originalité surprenante dans l’histoire de la peinture animalière en France : des animaux célébrés et féroces à l’intérieur d’une cage ou d’« une prison », derrière une grille de fer. Huet ose placer le spectateur dans un espace réservé à des lions qui le regardent et provoquent sa réaction.
Le message adressé au public et l’importance éthique de la production visuelle post-révolutionnaire ont principalement été traités à propos de la grande peinture d’histoire, genre privilégié par les grands artistes pour parler à leur public. C’est le genre où les discours sur les rapports de l’art et la société se retrouvent, se reproduisent et s’interpénètrent. En tant que peintre animalier, Huet possédait une certaine liberté quant à son sujet, puisqu’il n’était pas soumis aux codes du décorum et de l’humanisme qu’exigeaient les grandes machines. Ainsi, ces lions peuvent interpeller directement l’oeil d’un spectateur pris dans ce jeu de regards. Sensibilisé à leur captivité, le spectateur se confronte à des bêtes féroces dont la signification avait pourtant toujours été liée à la souveraineté, au pouvoir et à la justice.