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Le chantier cathédral en Europe

Diffusion et sauvegarde des savoirs, savoir-faire et matériaux du Moyen Âge à nos jours
Appel à contribution
Le Vendredi 10 mai 2019 de 00h00 à 23h59

À la suite de l’inclusion des savoir-faire de la Fondation de l’Œuvre Notre-Dame de Strasbourg à l’Inventaire national du Patrimoine culturel immatériel en France, en 2017, la recherche de reconnaissance de la démarche de sauvegarde des savoirs, des compétences techniques et des pratiques sociales des ateliers de cathédrales a progressivement fédéré dix-huit ateliers dans cinq pays européens (Allemagne, Autriche, France, Norvège, Suisse). En ce printemps 2019, ils déposent auprès de l’UNESCO (Registre des bonnes pratiques de sauvegarde du patrimoine culturel immatériel) un dossier de candidature multinationale « Les techniques artisanales et les pratiques coutumières des ateliers de cathédrales, ou Bauhütten, en Europe : savoir-faire, transmission, développement des savoirs, innovation ». Ces dix-huit ateliers (Aix-la-Chapelle, Bamberg, Bâle, Dresde, Fribourg-en-Brisgau, Cologne, Linz, Lübeck, Mayence, Passau, Ratisbonne, Schwäbisch-Gmünd, Soest, Strasbourg, Trondheim, Ulm, Vienne et Xanten) se consacrent tous à la préservation de cathédrales et de grands édifices, ainsi qu’à la recherche, à la documentation et à la transmission des  savoirs associés.
Comme d’autres en Europe, ils forment un réseau transfrontalier et vivant au sein de la plus large association européenne d’architectes et de responsables d’ateliers de cathédrales, le Dombaumeister e.V., fondé en 1988, qui promeut la transmission du travail en atelier et les pratiques qui y sont mises en œuvre. Attestés par les sources depuis la fin du Moyen Âge, les liens entre les ateliers ont constitué un réseau européen au-delà des frontières territoriales ; cette coopération est demeurée un élément structurant de la pérennisation des savoir-faire.
Parmi les ateliers encore actifs aujourd’hui en Europe, certains le sont sans interruption depuis l’époque médiévale, comme l’Œuvre Notre-Dame à Strasbourg (France) ou la Freiburger Münsterbauhütte à Fribourg-en-Brisgau (Allemagne). Du XIXe au XXIe siècle encore, des ateliers se sont recréés, afin de conserver et restaurer des cathédrales, tels les ateliers en Bavière, ou d’autres grands bâtiments, telle la Zwingerbauhütte à Dresde (Allemagne). Au XIXe siècle, l’achèvement des églises gothiques en Allemagne devient le symbole d’une identification nationale. Si l’achèvement de la cathédrale de Cologne, dont les travaux reprennent en 1823, était motivé par un contexte de conflits politiques et confessionnels, la réouverture des ateliers d’Ulm (1844) et de Schwäbisch-Gmünd (1848) découle d’un très fort engagement citoyen. En Norvège, la réouverture de l’atelier de Trondheim (1869) est liée à la requalification de l’église-cathédrale de Nidaros en symbole national et église principale du pays. Une autre vague de réouvertures s’observe dans les années 1920 à Bamberg, Passau, Ratisbonne et Xanten, en réponse au mauvais état des cathédrales, qui souffrent des conséquences environnementales et climatiques de l’ère industrielle.
D’autres ateliers ont été ouverts, en particulier au cours du XIXe siècle, afin d’édifier de nouvelles cathédrales, comme à Linz (Autriche), ou de nouveaux édifices néogothiques, avant de fermer, le plus souvent, à l’issue du chantier de construction. Certains ateliers se sont formés après la seconde guerre mondiale pour reconstruire ou restaurer les édifices fortement endommagés par la guerre, comme à Aix-la-Chapelle (1949), Mayence (1950) et Lübeck (1951) en Allemagne. Enfin, la dernière vague de créations d’ateliers dans les années 1980-1990, à Bâle (1986) en Suisse et à Dresde (1991) et Soest (1994) en Allemagne, découle de la prise de conscience que l’entretien continu et systématique des édifices par un atelier dédié présente l’avantage de pouvoir suivre les monuments sur un temps long et de les entretenir au quotidien. La dernière création en Europe date de 2017, pour assurer l’entretien de la cathédrale de Stavanger (Norvège).
Confrontés à la carence progressive des compétences techniques aujourd’hui, les ateliers de cathédrales s’érigent en institutions de préservation, de transmission et de développement des techniques et savoir-faire traditionnels en Europe. Ils développent des protocoles de conservation de la pierre, dans le souci constant de préserver la pierre d’origine. Leur objectif est de maintenir vivants les savoirs et savoir-faire artisanaux traditionnels et d’encourager les méthodes contemporaines de conservation-restauration, démontrant ainsi que la préservation des traditions artisanales est compatible avec le recours aux nouvelles technologies. Reflété dans leur organisation et dans leur système de formation à la pratique in situ, cet engagement en faveur de la préservation et de la promotion du patrimoine culturel immatériel est exemplaire. Il se traduit par des mesures de sensibilisation, d’information et de communication ciblées et par une coopération étroite avec un vaste panorama d’acteurs (professionnels de la conservation des monuments historiques, entreprises, chercheurs académiques, représentants des Églises).
Ils permettent à un public non expert de connaître et de comprendre la construction et l’organisation des chantiers et des grands édifices du Moyen Âge et du début des temps modernes et leur conservation ultérieure. De nombreux édifices auxquels sont adjoints de tels ateliers sont protégés conformément aux législations nationales en vigueur sur les monuments historiques ou ― telles les cathédrales d’Aix-la-Chapelle, Bamberg, Cologne, Ratisbonne et Strasbourg et les églises de la vieille ville de Lübeck ― sont reconnus Patrimoine mondial par l’UNESCO.

  • Axes thématiques du colloque

Les contributeurs sont invités à étudier la spécificité du fonctionnement des chantiers et des métiers impliqués dans la construction des cathédrales hier et dans leur restauration aujourd’hui, à mettre en valeur les sources, écrites ou figurées, autorisant la recherche en ces domaines et la façon dont elles ont été exploitées ces toutes dernières décennies, et enfin, à questionner le phénomène de circulation et d’échanges des savoirs et des compétences que l’on connaît depuis le Moyen Âge autour des chantiers des cathédrales.
Cet appel à communications propose d’explorer les trois grands axes thématiques suivants. Des communications proposant une approche comparative ou étudiant la diffusion de savoirs et de modèles au-delà du continent européen, en Amérique du Nord et du Sud ou en Asie notamment, pourront être prises en compte.

1. Chantiers et métiers : approches historiques et géographiques

Panorama institutionnel du Moyen Âge à nos jours
— Analyse institutionnelle des fabriques et des ateliers médiévaux et modernes en Europe
— Coup d’arrêt donné au modèle avec la Révolution française et permanences exceptionnelles
— Tentatives de recréation de fabriques ou de structures informelles au XIXe siècle
— Coexistence actuelle de contextes institutionnels variés : maîtrise d’œuvre sur le bâtiment, conservation associée (archives, dépôts lapidaires…)
— Les cathédrales après les cathédrales : cas des anciennes cathédrales ramenées au rang d’églises paroissiales
Déontologie et contexte des travaux en Europe
— Modalités de conduite des travaux selon les régimes (gestion directe, marchés publics, systèmes mixtes, …)
— Influence des ressources en matériaux, plus ou moins sensibles à l’érosion ou aux impacts environnementaux, sur les pratiques d’entretien et de restauration (ex. : cas des cinq cathédrales suisses, dans des matériaux différents)
Organisation et mise en réseau des chantiers à travers les âges
— Fonctionnement jusqu’à la fin de l’époque moderne (loges, maîtrise d’ouvrage, marche du chantier) : apport des sources administratives, comptables et iconographiques
— Spécificités et catégorisation des différents métiers à l’œuvre : cloisonnements et porosités
— Réseaux spécialisés (compagnonnage, Dombaumeister e.V., Handwerkeraustausch International, Cathedral Architects Association, Associazione Fabbricerie Italiane...)
Quels métiers pour quels savoirs ?
— Panorama historique et géographique selon les spécialités : travail de la pierre, travail du bois, travail du métal, travail du verre
— Singularité de la taille de pierre, entièrement mise en œuvre in situ
— Adaptation et évolution des métiers, maintien au sein des ateliers ou externalisation

2. Pensée et savoir-faire techniques : de leurs supports à leur circulation

Supports de la pensée technique
— Analyse et étude des dessins : pièces des collections de dessins d’architecture (Strasbourg, Milan, Florence, Vienne, Reims…), palimpsestes, épures, gabarits
— Identification et étude des salles de trait/chambres au trait (Bayeux, York, Troyes, Bourges…)
— Rôle et organisation des dépôts lapidaires, des gypsothèques, des matériauthèques et des dépôts d’éléments de vitrail ; étude de l’authenticité des fragments
— Application du numérique à l’analyse des supports : confrontation ou prolongation des savoir-faire anciens et des technologies modernes, intégration des dessins d’architecture et des archives dans des projets scientifiques ou de médiation recourant aux technologies numériques
Transmission des savoirs techniques et transferts d’innovation
— Diversité des modalités de transmission :
• dans le temps : par l’enseignement, par la mémoire (archives), par l’étude des collections (œuvres, outils…), par la constitution de musées associés…
• vers d’autres chantiers : des églises diocésaines vers les églises paroissiales du diocèse, des contextes de la commande religieuse à ceux de la commande civile…
• vers d’autres régions : à l’échelle européenne et au-delà…
— Analyse de cas de ruptures de transmission, de disparition ou de revitalisation de certains savoir-faire
— Circulation des dessins et modèles depuis le Moyen Âge
— Circulations des praticiens (architectes, artisans) depuis le Moyen Âge : rassemblement de maîtres d’œuvre, mobilité des artisans, étude des sources pour l’histoire de ces circulations
— Présentation de projets de recherche inspirants sur la transmission des savoir-faire (ex. : projet Voûtes gothiques, Dresde/Strasbourg/Centre européen de la recherche)

3. Stratégies de sauvegarde et de diffusion autour des cathédrales

Des lieux privilégiés pour la sauvegarde moderne et contemporaine des savoir-faire
— Étude des techniques anciennes de construction et leur mise en œuvre (standardisation et taille de la pierre en série, apports de l’archéologie du bâti, techniques de construction et outils des tailleurs de pierre…)
— Analyse et interprétation de restaurations anciennes (conséquences sur la permanence des savoirs, des gestes, de l’usage des matériaux, des lieux d’approvisionnement…)
— Expérimentation des méthodes en conservation-restauration : chantier permanent, copie de modèles in situ…
Centres de documentation et laboratoires de recherche sur les savoirs techniques et sur les enjeux patrimoniaux
— Collections et ressources documentaires des ateliers de cathédrales ou Bauhütten (Strasbourg, Cologne, Fribourg-en-Brisgau, Vienne…) : pratiques d’identification, de conservation et de restauration
— Politique éditoriale, scientifique et technique, des ateliers de cathédrales et de leur réseau (sociétés savantes, associations des amis, académies…)
— Collaboration avec des laboratoires spécialisés : modèles intégrés (ex. : Cologne, Strasbourg…) ou mutualisés (ex. : Laboratoire de recherche des monuments historiques, en France)
Du mythe à la réalité : ouvrir le chantier au public
— Imaginaires du chantier : naissance et diffusion de légendes attachées aux édifices, représentations du chantier (littérature de fiction, photographie, cinéma…)
— Dispositifs immersifs dans la vie des chantiers de cathédrales (musées, centres d’interprétation, supports multimédia…) : spécificités et acteurs
— Projets d’archéologie expérimentale (ex. : dôme de la cathédrale de Florence) : un outil de médiation auprès du public non expert

Coordination du colloque
Le colloque est organisé par la direction générale des Patrimoines (ministère de la Culture) et par le Centre André-Chastel, avec le soutien :
• du labex « Écrire une histoire nouvelle de l’Europe » (axe 7 Traditions nationales, circulations et identités dans l’art européen)
• de l’Institut national du Patrimoine
• de l’Observatoire des patrimoines Sorbonne Université

  • Calendrier et modalités de candidature

Les interventions sont ouvertes aux praticiens de l’architecture et de la restauration monumentale et artistique, aux professionnels du patrimoine, aux chercheurs et enseignants-chercheurs (anthropologie, économie de la construction, histoire de l’architecture, histoire de l’art, histoire des techniques, histoire institutionnelle…), afin de valoriser les approches mixtes et pluridisciplinaires et favoriser l’échange des points de vue professionnels.
Pour soumettre un projet de communication, adresser les deux pièces suivantes :
• Une proposition écrite d’environ 1 page (2000 signes maximum), accompagnée de quelques références bibliographiques à l’appui
• Un bref curriculum vitae (2 pages)
Langues du colloque : français, anglais, allemand et italien.
Les propositions de communications doivent être adressées, au format PDF et par courriel, avant le 10 mai 2019, conjointement à :
isabelle [dot] chaveatculture [dot] gouv [dot] fr (Isabelle Chave) (direction générale des Patrimoines)
et
Étienne Faisant (labEx EHNE)

Les réponses seront transmises aux candidats à la fin du mois d’avril 2019.
Une publication des actes du colloque est prévue.